mardi 16 novembre 2010

GUINEE :Les divisions ethniques la menacent






Le réveil de rivalités ethniques ancestrales à la faveur de la première tentative de scrutin démocratique en Guinée risque d'entraver la transition vers un régime civil, sauf si vainqueur et vaincu du second tour de la présidentielle agissent vite pour apaiser les tensions. 


Pour certains observateurs, la Guinée court le risque de violences similaires à celles survenues en 2007 au Kenya, où des troubles post-électoraux avaient fait 1.300 morts.
La parade la plus efficace consisterait en un pacte crédible de partage du pouvoir.

La première question est de savoir si les partisans de l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, issu de la majorité peule du pays, accepteront la défaite de leur candidat face à Alpha Condé, un Malinké, donné vainqueur lundi avec 52,5% des voix.

"La stabilité à court terme de la Guinée dépend de la manière dont les deux adversaires vont gérer la situation désormais", prévient Rolake Akinola, du cabinet de consultants Eurasia Group.
"Diallo va subir une forte pression pour qu'il reconnaisse sa défaite", ajoute-t-elle, allusion à une possible intervention des voisins de la Guinée dans une région où trois pays - Côte d'Ivoire, Sierra Leone et Liberia - se relèvent à peine de guerres civiles.

Le calme est précaire en Guinée, comme l'illustrent les heurts signalés entre jeunes et forces de sécurité dans des quartiers de Conakry favorables à Diallo, malgré l'appel au calme lancé dans la nuit de lundi à mardi par ce dernier.

AUCUN PEUL N'A PRÉSIDÉ LA GUINÉE

Dénonçant des fraudes, Cellou Dalein Diallo a exprimé l'intention de saisir la Cour suprême, qui dispose de huit jours pour examiner cette requête.
Si elle est confirmée, la victoire d'Alpha Condé soulignera la persistance des rivalités ethniques qui ont empêché les Peuls d'occuper la présidence de la Guinée depuis son indépendance de la France en 1958, alors même qu'ils représentent 40% des 10 millions d'habitants du pays.

Cellou Dalein Diallo était arrivé largement en tête du premier tour le 27 juin, avec 43,68% des voix. Loin derrière avec 18,25% des suffrages, Alpha Condé s'était plaint du faible nombre de bureaux de vote dans certaines zones rurales, ce qui aurait empêché beaucoup de ses partisans de voter.

Des bureaux de vote supplémentaires ont été ouverts pour le second tour le 7 novembre et le résultat a été inversé, surtout que les principaux groupes ethniques non-Peuls du pays se sont rassemblés derrière Condé.
"Les Soussous notamment se sont alliés aux Malinkés pour voter contre Diallo", souligne Sebastian Spio-Garbrah, du cabinet de consultants DaMina Advisors, allusion aux partisans de Sidya Touré, arrivé en troisième position au premier tour. Ce dernier les avait pourtant appelés à voter en faveur de Diallo.

Peuls et Malinkés s'affrontaient déjà avant la colonisation de la Guinée à la fin du XIXe siècle. Population à la peau claire, les Peuls sont parfois qualifiés de "juifs d'Afrique" et sont fortement présents dans le milieu du commerce, ce qui leur vaut les critiques d'autres ethnies.
Dans un discours fameux prononcé en 1976, l'ancien président Sékou Touré, un Malinké, avait accusé les Peuls d'accaparer les richesses du pays et il avait invité ses partisans à égorger les "saboteurs" de la société guinéenne.

UN PEUL PREMIER MINISTRE ?
Lors de la répression meurtrière d'une manifestation pro-démocratique le 28 septembre 2009, des militaires fidèles à Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte, avaient particulièrement attaqué des femmes peules pour commettre des viols groupés, selon de nombreux témoignages.
Des tensions ethniques ont refait surface durant la campagne électorale. Le mois dernier, la rumeur a circulé selon laquelle des vendeurs de rue peuls avaient tenté d'empoisonner les participants à un meeting de soutien à Condé. Cette rumeur avait provoqué des attaques contre des habitants et des commerces peuls à Conakry et ailleurs.

Pour Sebastian Spio-Garbrah, l'urgence est d'étouffer tout risque de violence entre les adversaires politiques.
"Le prochain Premier ministre pourrait être un Peul acceptable pour Condé", dit-il.

Selon lui, Diallo refusera d'occuper cette fonction afin de rester crédible auprès de ses partisans et de conserver une chance de tenter à nouveau sa chance à la prochaine présidentielle dans cinq ans.
Si l'on en juge par les vives querelles au sujet de la composition de la commission électorale avant le scrutin, les négociations sur un partage du pouvoir risquent d'être ardues.

Plus un tel accord se fera attendre, plus l'armée risque d'intervenir.

Majoritairement composée de Malinké, l'armée devrait être plus encline à transmettre le pouvoir aux civils en cas de victoire de Condé. D'après des témoins, des soldats ont tout de même tiré à balles réelles pour disperser des manifestants lundi.

"Le nouveau président doit s'attaquer sans délai aux racines de la violence et mettre au pas les services de sécurité", juge Corinne Dufka, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch.

Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser

 Source : yahoo.fr

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