L'avocat Jacques Vergès est mort jeudi 15 août à l'âge de 88 ans. Le président du Conseil national des barreaux, Christian Charrière-Bournazel,
a confirmé l'information donnée plus tôt dans la soirée. D'après lui,
l'avocat, aussi médiatique que controversé, "avait fait une chute il y a quelques mois". "Il était très amaigri, marchait très lentement. Il avait des difficultés à parler
mais intellectuellement était intact. On savait que c'étaient ses
derniers jours mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite".
Né en 1925 en
Thaïlande d'une mère vietnamienne et d'un père français, le jeune Vergès a grandi à
La Réunion, où son frère Paul a mené une longue carrière
politique au sein du Parti communiste réunionnais. En 1941, le futur avocat s'engage dans les Forces françaises libres, combat en
Algérie, au
Maroc, en
Italie et en France. Après la Libération, il adhère au
Parti communiste, termine ses études de droit et s'inscrit en 1955 au barreau de Paris.
La guerre d'Algérie marquera un tournant. Jacques Vergès assure la
défense de Djamila Bouhired, une jeune poseuse de bombes du FLN, pour laquelle il invente le concept de
"défense de rupture". Au lieu de
chercher à
minimiser les faits et à
obtenir l'indulgence des juges, l'avocat se pose en accusateur du système colonial.
La jeune femme, condamnée à mort, puis graciée, devient une
héroïne nationale en Algérie. Jacques Vergès l'épouse, s'installe à
Alger après l'indépendance, se convertit à l'
islam. Le couple a deux enfants, mais l'avocat, qui se croyait promis à un grand
avenir politique en Algérie, s'ennuie.
DES VACANCES "TRÈS À L'EST DE LA FRANCE"
Après un
voyage en
Chine, où il rencontre Mao, il disparaît en 1970, abandonnant femme et enfants. Ses
"grandes vacances", comme il les appelle, vont
durer
huit ans. Qu'a-t-il fait ? Ou était-il ? Chez les Khmers rouges, auprès
de son ami Pol Pot, qu'il a connu jadis au Quartier latin ? A priori
non. Le plaideur n'aurait jamais exercé ses talents au
Cambodge.
Tout en séjournant de temps à autre à Paris sous une fausse identité,
il aurait travaillé en Extrême-Orient pour le compte des
services secrets chinois et se serait également rendu utile à leurs homologues français.
Le reste est mieux connu. Devenu soudainement riche, Jacques
Vergès revient au grand jour en 1978, à Paris. L'avocat assure la
défense d'individus comme le criminel de guerre nazi
Klaus Barbie, le dirigeant khmer rouge
Khieu Samphan, le philosophe négationniste
Roger Garaudy ou le terroriste Carlos. Sa clientèle compte également des membres des mouvements d'extrême-gauche européens (Fraction
armée
rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim
Abdallah et Anis Naccache ou le dictateur serbe Slobodan Milosevic. Il
représentera également la
famille Boulin, la fille de
Marlon Brando, le capitaine Barril, le jardinier marocain
Omar Raddad, le tueur en série
Charles Sobrhraj et plusieurs dirigeants africains.
En marge du prétoir, Jacques Vergès a monté au théâtre un plaidoyer intitulé
Serial plaideur et publié une vingtaine de
livres, dont
Dictionnaire amoureux de la justice,
Le salaud lumineux,
Justice pour le peuple serbe,
Beauté du crime,
La démocratie à visage obscène,
Sarkozy sous BHL... En 2007, Barbet Schroeder lui a consacré
un documentaire passionnant intitulé
L'avocat de la terreur.
Source: lemonde.fr