vendredi 19 mars 2010

POEMES DU WEEK-END

Femme noire, femme africaine,

O toi ma mère, je pense à toi.
O Daman, O ma mère, toi qui me portas sur le dos,
Toi qui m’allaitas, toi qui gouvernas mes premiers pas,
Toi qui, la première, m’ouvris les yeux aux prodiges de la terre,

Je pense à toi...

Femme des champs, des rivières, femme du grand fleuve,
O toi, ma mère, je pense à toi...
O toi Daman, O ma mère, toi qui essuyais mes larmes,

Toi qui me réjouissais le cœur, toi qui, patiemment, supportais mes caprices,
Comme j’aimerais encore être près de toi, être enfant près de toi !
Femme simple, femme de la nation, ma pensée toujours se tourne vers toi...

O Daman, Daman de la grande famille des forgerons, ma pensée toujours se tourne vers toi,

La tienne à chaque pas m’accompagne,

O Daman, ma mère,
Comme j’aimerais encore être dans ta chaleur,
Etre enfant près de toi. ...
Femme noire, femme africaine,

O toi ma mère, merci pour tout ce que tu fis pour moi, ton fils,

Si loin, si loin, si près de toi !

Je t’aime, je t’aimais, je t’aimerais toujours !

Extrait de "L’enfant noir" de Laye Camara.





Femme nue, femme noire

Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné

Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais
lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du
Vent d'Est

Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée

Femme noire, femme obscure

Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux
flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta
peau.

Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire

A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains

de tes yeux.

Femme nue, femme noire

Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les
racines de la vie.

Léopold Sédar Senghor


Extrait de
" Oeuvres Poétiques"
Le Seuil

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